Ce voyage est l’un des épisodes les plus marquants de la vie de Cheikh Ibrahîm Niass, et il illustre les dimensions spirituelles et miraculeuses de son parcours. Le Khalife Cheikh Ahmad Tidiane Ibrahima Niass en a livré le récit suivant, rapporté par le site Faydatidianiya.
* L’invitation de l’émir de Kano
À la fin du Hajj de l’année 1937 (AJ), l’Émir de Kano invita Cheikh Ibrahîm Niass à lui rendre visite. Quelques années plus tard, le Cheikh décida de répondre à cette invitation.
Il se rendit seul en Gambie, où il fut accueilli par Omar Faye, l’un de ses principaux représentants. Lorsqu’il lui fit part de son intention de se rendre au Nigeria par avion, Omar Faye l’informa qu’aucun vol n’était prévu dans cette direction à cette période, les avions étant rares et non réguliers.
Le Cheikh insista malgré tout : « Allons à l’aéroport ». Arrivés sur place, le directeur de l’aéroport leur confirma que les vols vers cette zone n’étaient pas prévus. Néanmoins, Cheikh Ibrahîm demanda une chaise et s’installa calmement.
Peu de temps après, un avion surgit de nulle part, vrombit dans le ciel et demanda à atterrir. Le pilote, en route vers l’Europe, avait détecté un bruit étrange dans son appareil et avait choisi l’aéroport le plus proche pour une vérification.
Informé de la présence du Cheikh, le directeur de l’aéroport parla au pilote de sa demande de rejoindre Kano. Bien que réticent, ce dernier accepta finalement de le déposer à Freetown avant de poursuivre sa route.
* Un périple spirituel à travers l’Afrique de l’Ouest
À Freetown, le Cheikh séjourna chez Ahmad Traoré. Il se prépara pour la suite du voyage qui le mena à Monrovia, puis à Abidjan, à Cotonou, ensuite à Lagos, avant d’emprunter la route vers Kano.
À son arrivée à Kano, il logea chez le représentant des Sénégalais, un certain Thierno KA. Il tenta alors d’obtenir une audience auprès de l’Émir, ce qui s’avéra difficile : un inconnu ne peut rencontrer aisément un chef d’État.
Cependant, Thierno KA connaissait Wâlî Souleymane, bras droit de l’Émir, que Cheikh Ibrahîm avait déjà consacré à Médine, en même temps que l’émir lui-même. Ils décidèrent de se présenter au palais. Arrivés tardivement, ils apprirent que Wâlî était déjà à l’intérieur.
Lorsqu’ils annoncèrent leur intention de voir l’Émir, les gardes se moquèrent. Cheikh Ibrahîm sortit alors une feuille de son sac, y écrivit quelques mots avec son sceau et son adresse, et la fit parvenir à Wâlî Sulayman.
À la lecture de la lettre, ce dernier, stupéfait, sortit personnellement vérifier. Il reconnut Cheikh Ibrahîm, le salua avec ferveur, et courut annoncer la nouvelle à l’Émir.
Ce dernier, en apprenant la venue du Cheikh, accourut sans même prendre le temps de mettre son turban. En arrivant à la porte, il tenta de se prosterner, mais le Cheikh l’en empêcha. Ils se congratulèrent chaleureusement et entrèrent ensemble au palais.
* Confirmation de la Fayda à Kano
Durant cette visite, l’Émir invita de nombreux savants. Cheikh Ibrahîm approfondit leur compréhension religieuse et confirma leur appartenance à la voie Tijaniyya. Ce voyage est considéré comme l’un des grands miracles de Cheikh Ibrahîm Niass.
Certaines sources non confirmées situent ce voyage en 1946. Ni Cheikh Ibrahîm, ni Cheikh Ahmad Tidiane Niasse n’en précisent toutefois la date exacte.
* Le témoignage du Niger
Un éclairage intéressant nous est donné par Cheikh Ababacar Oumar, un des khalifes d’Aboubakar Thiota Hachimi du Niger. Pendant que Cheikh Ibrahîm était chez le sultan, le grand savant Mizignéwa fit un rêve étrange.
Une voix lui dit :
« Comment peux-tu rester au lit alors que le Khalife de Cheikh Ahmad Tidiane est à Kano ? »
Il crut d’abord à un simple songe, mais la vision se répéta. Mizignéwa, alors très âgé, rassembla ses disciples — parmi eux, de grands érudits comme Malam Sâni Kâfanga, Malam Ahmad Tijân ibn Uthmâm, Aboubakar Atîqu — et leur ordonna de retrouver ce Khalife par tous les moyens.
Ils finirent par apprendre qu’un hôte de marque était en visite chez le sultan. À la confirmation de son identité, Cheikh Mizignéwa pleura d’émotion, regrettant de ne pas avoir pu le rencontrer. Il exhorta alors ses disciples à se rendre à Kaolack, même à pied, pour rencontrer le Cheikh et recevoir sa bénédiction.
* La première délégation nigériane à Kaolack
Dans Le parfum des Niasse, biographie de Cheikh Abdourazzâq Koossa, l’auteur Abû Bakar ibn Mûssâ rapporte que la première délégation venue à Kaolack était composée de :
- Ahmad Tijân ibn Uthmâm
- Cheikh Muhammad Thânî ibn Hassan Kâfanga
- El Hâj Ahmad Nabîgû
Ils passèrent un an à Kaolack pour leur formation spirituelle.
* L’expansion de la Fayda au Ghana
Par ailleurs, il est rapporté que El Hâj Bâba Makkaranta, de Kumasi (Ghana), vit ces pèlerins nigérians se rendre à Kaolack à pied. Informé de leur destination, il décida de les suivre.
Il devint ensuite un pilier de la Faydatidianiya à Kumasi, au Ghana. Pour cette raison, on considère que Kano est la capitale de la Faydatidianiya, et Kumasi sa deuxième capitale.