Cette lettre est adressée au frère et ami, le jurisconsulte, l’homme de lettre et l’émérite Mouhamadou Moustapha Ibn Thierno Thiam. (Que la paix soit sur vous ainsi que la miséricorde d’Allah et sa bénédiction). Par la suite, je te fais savoir que ton émissaire m’est parvenu et j’ai reçu ta lettre en toute fierté. Je te confie à Allah, entre les mains de qui nul dépôt n’est sujet à la perdition. Je te conseille de garder le cœur bien accroché à Allah dans tous tes mouvements et dans tes moments de répit. Sois par Allah car “celui qui est pour Allah, ce dernier sera pour lui”. Mets toutes les créatures en dehors de la pratique de tes devoirs envers l’être divin et sache que ta propre personne est du nombre des êtres créés. (Dis: Allah ! Et, puis laisse-les s’amuser dans leur égarement.) (Sourate VI verset 91) Tu sais parfaitement qu’Allah a rendu vain et perfide le fait d’avoir recours à autre que Lui. Qu’il y ait donc pour toi deux maîtres : prend le livre saint et la sunna pour en faire ton guide au niveau externe (zâhir) et au niveau interne (bâtin), que ton guide soit notre maître Ahmad -At-Tijâni (Qu’Allah soit satisfait de lui) et il est toujours avec toi. Les « wassîla » sont uniquement des moyens pour parvenir à une fin. Ce que j’insinue en cela, c’est ce je t’ai dit. Préserve donc ton secret et dissimule ce qu’Allâh t’a conféré parmi ses secrets seigneuriaux jusqu’à ce qu’il te fasse apparaître. En réalité, quiconque s’attribue la fonction de maître spirituel avant d’en avoir reçu l’habilitation divine, a entièrement détruit sa religion et sa vie d’ici-bas, et s’est rendu opprobre au milieu de ses congénères. Si Allah te fait paraître, nul ne pourra empêcher que son don ne te parvienne. Par contre vouloir paraître avant le moment propice met fin à la célébrité à cause de ce qui s’y trouve comme part de la pulsion ou de l’impulsion. Si Allah te cache, c’est mieux pour toi. S’il te révèle et te rend manifeste aussi, cela est meilleur pour toi. Ne veux rien sinon ce qu’Allah veut. Celui qui veut le prestige est le serviteur du prestige et celui qui désire l’occultation est l’esclave de ce désir. Quand à celui qui ne désire que ce que désire Allah, c’est lui son véritable serviteur. Le « ârif »(gnostique) est en effet celui qui abandonne sa volonté propre pour se plier à la volonté d’Allah. Et, dis à Hâdî que je l’autorise à te transmettre le « sirru ziârra » (litt: le secret de la visite pieuse) qui est le troisième des secrets. Il comporte le nom spécifique (ismul khâç) relatif à la station du maître (Ahmad Tijân), (qu’Allah soit satisfait de lui). Fais part de mes salutations au khalife Habîbul-Lâhi Seck. Je sollicite auprès de lui des prières pieuses. Wa-salâm.
De la part de Ibrahîm Ibn El Hadji ‘Abdallâhi At-Tijânî. An 1348H Al Faydah à Kossi